Beauvoir, sur « les chemins de la liberté », de La Force de l’âge à Tout compte fait

La Force de l’âge, au nom de la liberté

La Force de l’âge commence en 1929 et son point final se pose à la Libération, en 1944. C’est la deuxième partie de la vie de Simone de Beauvoir, laquelle se scinde en deux autour de la date pivot : 1939. Ce qui fait unité, c’est sa quête de liberté.

Beauvoir et Sartre

Beauvoir et Sartre tissent des liens qui ne se desserreront jamais. Cette relation repose sur un pacte qui fera beaucoup parler ensuite : elle n’est pas exclusive et chacun a le droit de vivre des amours contingentes. À ce titre, la période sera marquée par la rencontre avec Olga, jeune élève de Simone de Beauvoir qui entrera dans la vie du couple. On retrouve l’histoire d’un tel trio dans le roman L’Invitée (1943). Aussi, Beauvoir est séduite par Bost1, futur mari d’Olga, mais le récit en parle peu. Le couple vit ainsi des plaisirs et légèretés de jeunesse par des amours libres, des soirées d’ivresse et de nombreux voyages.

Un éveil politique manqué

Lors des manifestations de 1936 qui opposent bourgeoisie, prolétariat et fascisme, Simone de Beauvoir observe la crise politique mais n’entre pas vraiment dans une analyse face à la complexité des opinions. Sa crainte est celle de la montée de la bourgeoisie, qu’elle exècre, et avec elle, le capitalisme. Mais elle avoue ne pas avoir remarqué la montée du fascisme. Le premier choc est alors celui de l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Sartre et elle n’ont pas pris la menace au sérieux, convaincus que cela était impossible. Puis la guerre d’Espagne la heurte, révoltée par la passivité de la France qui n’intervient pas et laisse Franco s’installer, soutenu par l’Allemagne et l’Italie.

Une politisation lente, au nom de la liberté

Cette période d’apolitisme est suivie par une phase de politisation lente. Pendant celle-ci, Sartre cherche à se rapprocher de groupes résistants, tente de créer le mouvement « Socialisme et liberté » auquel participe Simone de Beauvoir, Merleau-Ponty et d’autres amis. Ils se réunissent clandestinement dans leur chambre ou à « La Closerie des lilas », café qu’ils fréquentent à cette époque. L’entreprise échoue et Sartre rejoint le CNR (Conseil national de la Résistance). Simone de Beauvoir ne souhaite pas assister à ces réunions-ci, de peur de paraître comme un double féminin inutile de Sartre. Son action dans la résistance reste ainsi quasi inexistante mais sa conviction de la nécessité de s’engager ne cesse de croître tandis que pèse le poids de la culpabilité envers ceux qui sont morts2.

La Force des choses : les espoirs de la Libération sont très vite déçus

La Force des choses commence en 1944 et se déroule jusqu’en 1962. Il s’agit d’une troisième partie de la vie de Beauvoir. Après la guerre, ses idéaux sont dorénavant construits, mais les espoirs de la Libération sont très vite déçus. C’est une fausse liberté qui leur est offerte. Ils sont prisonniers d’un choix auquel ils refusent de se résoudre, entre capitalisme et communisme stalinien.

Face à la violence des sentiments

Mais, encore une fois, grâce à la possibilité du voyage, Beauvoir se libère en acceptant, en 1947, un séjour aux États-Unis au cours duquel elle rencontre Nelson Algren. Elle vit une expérience amoureuse intense et tortueuse qui se terminera en 1951. Elle rencontre alors Claude Lanzmann. Leur liaison dure jusqu’en 1959.

Face à la violence des événements

Elle est devenue un personnage de la vie intellectuelle parisienne, notamment avec la parution du Deuxième sexe et des Mandarins qui obtient le prix Goncourt en 1954. Ce statut lui donne la force de contester la guerre d’Algérie, en dénonçant entre autre les tortures et les exécutions pratiquées par l’armée française, se sentant responsable en tant que française des atrocités décidées par son propre pays, lequel vient pourtant de souffrir de l’emprise nazie. En 1960, Camus meurt dans un accident de voiture. Ces événements, violents, expliquent le choix du titre La Force des choses : elle se rend compte que ce qui arrive est lié à une situation, positionnement philosophique cher à Sartre et à l’existentialisme.

La lutte continue : crimes de guerre et droits de la femme

La dernière partie de sa vie n’a pas fait l’objet d’un récit autobiographique chronologique. Elle s’en explique : « Je n’ai plus l’impression de me diriger vers un but mais seulement de glisser inéluctablement vers ma tombe. Alors il n’est plus nécessaire de prendre pour fil conducteur le déroulement du temps »3. Pourtant la lutte continue : contre les crimes de guerre, ceux du Vietnam cette fois, pour les droits de la femme : elle s’engage en 1970 au MLF. Elle contribue au journal La Cause du peuple dirigé cette même année par Sartre et continue de publier dans la revue Les Temps modernes. Rien ne cesse, pas même après la disparition de Sartre en 1980.

Beauvoir et Sartre, et l’écriture

Elle publie suite à cette perte La Cérémonie des adieux, en sa mémoire. Elle rassemble également les lettres de Sartre sous le titre Lettres au Castor. Et elle continue ses voyages, aux côtés de Sylvie Le Bon, jeune femme avec laquelle elle s’est liée d’amitié et qu’elle adopte après la mort de Sartre afin de lui confier la postérité de son œuvre. Simone de Beauvoir décède en 1986, et repose auprès de Sartre, au cimetière Montparnasse.

1. Simone de Beauvoir, Pierre-Louis Fort, Presses universitaires de Vincennes, 2016.

2.Nizan est mort pendant la guerre, dans des conditions restées inconnues. Bourla, ami proche, est fait prisonnier puis abattu.

3. Tout compte fait, 1972. Il s’agit du dernier tome autobiographique qui s’organise non plus selon un ordre chronologique mais autour de divers thèmes significatifs dans l’ensemble de sa vie.

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